Le ribâ ( l’intérêt, l’usure[1]) :
Le Saint Coran dit :
الَّذِينَ يَأْكُلُونَ الرِّبَا لاَ يَقُومُونَ إِلاَّ كَمَا يَقُومُ الَّذِي يَتَخَبَّطُهُ الشَّيْطَانُ مِنَ الْمَسِّ ذَلِكَ بِأَنَّهُمْ قَالُواْ إِنَّمَا الْبَيْعُ مِثْلُ الرِّبَا وَأَحَلَّ اللّهُ الْبَيْعَ وَحَرَّمَ الرِّبَا فَمَن جَاءهُ مَوْعِظَةٌ مِّن رَّبِّهِ فَانتَهَىَ فَلَهُ مَا سَلَفَ وَأَمْرُهُ إِلَى اللّهِ وَمَنْ عَادَ فَأُوْلَئِكَ أَصْحَابُ النَّارِ هُمْ فِيهَا خَالِدُونَ
« Ceux qui se nourrissent de l’usure ne se lèveront que comme se lève celui que Satan a violemment frappé, il en sera ainsi parce qu’ils disaient : ”La vente est semblable à l’usure“, Mais Dieu a permis la vente et Il a interdit l’usure. Celui qui, ayant reçu une exhortation de son Seigneur, cesse de pratiquer l’usure, peut conserver ce qu’il a déjà gagné, et son cas relève de Dieu. Mais ceux qui recommencent à pratiquer l’usure sont les hôtes du Feu, où ils demeureront à jamais. » AL-Baqara (2:275)
La prohibition du recours à l’intérêt est clairement et explicitement proclamée dans le Coran, ce qui signifie qu’elle est irréfutable car le Coran est la parole directe de Dieu à l’homme et se trouve donc au sommet de la « pyramide des normes » charaïques.
L’usure est l’intérêt qui résulte de la dette, car à travers la vente et la dette, l’argent se déplace d’une main à une autre. Si l’échange est fait entre deux choses différentes, cela s’appelle une vente. Par exemple, échanger de la monnaie contre du pain constitue un achat, le profit qui se produit à travers l’achat et la vente s’appelle “le commerce” : Si j’achète du pain au prix d’un dollard, je devrai le vendre pour deux dollards.
En revanche, l’emprunt avec intérêt caractérise l’usure; celui qui emprunte une certaine somme d’argent à un usurier pour un délai fixé, devra la lui rembourser après l’expiration de la période plus un petit surplus, avec lequel l’usurier fera du profit.
Le ribâ “l’usure” a deux formes :
1- La somme payée pour l’usage de capitaux empruntés ou en contrepartie d’un rééchelonnement dans le paiement d’une dette. C’est-à-dire que le crédit donné à quelqu’un, devra être remboursé plus tard avec un surplus, car le délai accordé pour le paiement du crédit est facturé
2- La vente ou l’échange d’un bien contre un autre de même nature avec un surplus.
Oussama ben Zaid rapporte que le Prophète (prière et paix de Dieu soient sur lui) a dit : « Le ribâ est dans la dette[2] ».
Le profit fait à travers la dette est différent de celui de la vente, et à ceux qui disent : ”La vente est semblable à l’usure”, le Saint Coran nie leur mensonge car la différence est tout à fait évidente ! La personne qui achète un produit puis le revend plus cher présente une marchandise dont les gens ont besoin, assure un service, fait un effort dont il fait profiter tout le monde ; alors que celui qui prête en ajoutant un pourcentage d’intérêt au moment du remboursement ne fait que rassembler tous les gains (son argent qu’il place et l’argent gagné par l’intérêt) dans ses mains, sans fournir le moindre effort ! Ceux qui disent que la vente est semblable à l’usure doivent savoir que la différence entre les deux est semblable à la différence entre le mariage légal et l’adultère, il sagit là d’un mensonge et d’une tromperie !
Les usuriers donnent cent dollards à condition qu’ils touchent cent vingt dollards après la fin de la période de la dette !!
Dieu dit d’eux :
وَمَا آتَيْتُم مِّن رِّبًا لِّيَرْبُوَ فِي أَمْوَالِ النَّاسِ فَلَا يَرْبُو عِندَ اللَّهِ وَمَا آتَيْتُم مِّن زَكَاةٍ تُرِيدُونَ وَجْهَ اللَّهِ فَأُوْلَئِكَ هُمُ الْمُضْعِفُونَ
« L’intérêt usuraire que vous versez pour faire fructifier les biens d’autrui ne donne aucun profit auprès de Dieu ; mais ce que vous donnez en aumônes en aspirant à la Face de Dieu, cela vous est compté au double. » Al-Rûm (30:39)
وَإِن تُبْتُمْ فَلَكُمْ رُؤُوسُ أَمْوَالِكُمْ لاَ تَظْلِمُونَ وَلاَ تُظْلَمُونَ
« Tandis que si vous vous repentez, votre capital vous restera : vous ne léserez pas et vous ne serez pas lésés. » AL-Baqara (2:279)
Donc, Dieu dit que la porte du repentir est ouverte à tous, même aux détenteurs de capitaux.
À l’époque de l’Arabie pré-islamique, l’usure dominait la vie des arabes, ses tentacules firent tellement de dégâts qu’une grande partie de la population ne pouvait plus rembourser des crédits, de mois en mois plus étouffants. La solution qui avait été trouvée pour celui qui ne pouvait plus rembourser était de donner sa propre personne pour colmater la dette, autrement dit, devenir esclave, d’où le très important pourcentage d’esclaves dans la société pré-islamique.
Puis Dieu vint interdit l’usure de toutes sortes, et il dit aux prêteurs sur gages : « Si votre débiteur se trouve dans la gêne, attendez qu’il soit plus à l’aise » AL-Baqara (2:280)
Les faits suivants sont la raison de la révélation des versets mentionnés :
Quatre frères de Thaqif, fils de Amr Ibn Amiero: Masood, Abdul Ialil, Habib et Rabia, avaient des transactions usuraires avec (banu moughira Almkhozumien) (des gens de la Mecque). Mais au cours de la huitième année de l’immigration, ces frères devinrent musulmans et décidèrent d’abandonner l’usure lorsque furent révélées ces versets : « Ô vous qui croyez, craignez Dieu ! et renoncez au reliquat de l’intérêt usuraire, si vous êtes croyants, Si vous ne le faites pas, attendez-vous à une guerre de la part de Dieu et de Son envoyé, Tandis que si vous vous repentez, votre capital vous restera : vous ne léserez pas et vous ne serez pas lésés. » AL-Baqara (2:278-279)
Puis ces frères réclamerent leur capital aux banu Moughira en les pressant de payer. Ceci fut la cause de cette révélation Coranique : « Si votre débiteur se trouve dans la gêne, attendez qu’il soit plus à l’aise » AL-Baqara (2:280)
L’Islam a tenté de fermer toutes les portes devant l’usure, et ce soin se retrouve dans les hadiths prophétiques, Abou Sa`îd Al Khodarî (que Dieu soit satisfait de lui) a rapporté cette parole du Prophète (prière et paix de Dieu soient sur lui) : « L’or contre l’or, l’argent contre l’argent, le froment contre le froment, l’orge contre l’orge, les dattes contre les dattes, le sel contre le sel, de valeur équivalente, de même poids, et de la main à la main. Quiconque y ajoute quelque chose ou demande une augmentation aura pratiqué l’usure, celui qui la prend et celui qui la reçoit sont égaux (dans le péché). »
Selon les hadiths prophétiques mentionnés dans le thème de « la vente des six articles », le Messager de Dieu (prière et paix de Dieu soient sur lui) a fermé toutes les portes devant celui qui tente de permettre l’usure sous la forme de la vente d’autres articles. Parce que ces articles peuvent être l’objet de la dette, et l’usure est l’augmentation de la dette; c’est pourquoi le Prophète a empêché l’augmentation en ce qui concerne la vente de ces articles en proclammant « de valeur équivalente, de même poids, et de la main à la main » et il a ajouté : « de valeur équivalente, de même poids ».
Ceci est très important parce que si elle est appelée « vente », alors les usuriers utiliseront la dette sous la forme de la vente, et cela niera tout sens de l’interdiction de l’usure.
Donc on peut dire que la règle à suivre dans ce cas est la suivante :
Lorsque le troc se fait entre éléments de la même catégorie (or pour or, argent pour argent) leurs poids doivent être identiques tout en étant tous les deux interchangeables de main en main, et en cas d’absence d’exigence de l’uniformité du poids alors nous sommes en présence de troc dit « troc par augmentation usurière ».
Lorsque le troc se fait entre deux catégories différentes tout en étant du même ordre (or pour argent, dinar pour livre, or pour dinar, argent pour livre) l’interchangeabilité de main en main est de mise, mais l’uniformité n’est pas exigée; car Ubada ibn as-Samit a rapporté que le Prophète (prière et paix de Dieu soient sur lui) a dit : » … Si ces articles sont différents, donc vendez comme vous voulez, de la main à la main ».
Si quelqu’un veux troquer des dattes de bonne qualité contre d’autres de mauvaise qualité, le poids ou la mesure doivent, dans ce cas, être différents. Il faudra vendre les premieres avec du papier monnaie et ensuite, avec leur prix, acheter la deuxième catégorie. Ainsi s’en sortira-t-il correctement sans commettre d’usure.
Si quelqu’un d’autre veux échanger de l’ancien or contre du nouveau, il faut savoir que le troc entre l’or et l’or n’est possible que s’il y a égalité entre les deux. Donc on peux vendre l’ancien or et avec son prix en acheter du nouveau.
On rapporte cette parole d’Ibn Omar : « Je vendais des chameaux à baqî’ (nom d’un emplacement à Médine), à un prix fixé en dînârs, mais, à la place de ceux-ci, je prenais (de l’acheteur) des pièces d’argent (d’un montant équivalent vu qu’il n’avait pas en sa possession des dînars). Et il arrivait aussi que je vende les animaux pour un prix fixé en pièces d’argent mais que, à la place de ceux-ci, je prenne (de l’acheteur) des dînârs (d’un montant équivalent vu qu’il n’avait pas avec lui des pièces d’argent), Je me suis (à une occasion) rendu auprès du Messager de Dieu (prière et paix de Dieu soient sur lui) et je l’ai trouvé sortant de la maison de Hafsah.Je l’ai alors questionné à ce sujet (c’est-à-dire concernant cette façon de procéder), il m’a répondu :
« Il n’y a pas de problème quand ceci se fait suivant le prix (des pièces dues)[3]. ”
Dans une version un peu plus détaillée de ce même récit, il est indiqué que le Messager de Dieu a répondu à l’interrogation de Ibn Oumar en ces termes : « Il n’y a pas de problème (à ce que tu procèdes de la façon décrite et) que tu prennes (le montant qui t’es du dans une monnaie différente) au prix de ce jour tant que vous ne vous séparez pas alors qu’il y a encore entre vous transaction ».
Le moment venu (c’est-à-dire lorsque le débiteur vient régler sa dette dans une monnaie différente), l’intégralité de ce qui est dû est versé avant que les contractants ne se séparent; cette condition indique que le Messager de Dieu (prière et paix de Dieu soient sur lui) a assimilé cette transaction consistant à échanger un montant dû dans un métal précieux en un montant équivalent dans un autre métal précieux.
Le montant effectivement obtenu/versé doit bien correspondre à ce qui était dû, et ce, en prenant comme référence le taux de change en vigueur le jour du règlement (et non au jour où a eu lieu la transaction initiale).
Prenons un exemple : « A » vend un livre à « B » pour 1 dînâr le 1er Ramadhân. N’ayant pas cette somme avec lui à ce moment, « B » demande à « A » s’il peut lui régler deux jours plus tard, « A » accepte.
Le 3ème jour du Ramadhân, avec l’accord de « A », « B » règle ce qu’il doit en dirham: pour déterminer ce montant, il se basera sur le taux de change appliqué le 3 et non sur celui qui était en vigueur le 1er.
Les quatre écoles juridiques ont divisé l’usure en deux parties : Le Ribâ dans les échanges (vente/achat): ribâ al-buyû’”البيوع”, et le Ribâ dans les crédits : ribâ al-qurûd”القروض”, mais elles ont compris le système de l’usure seulement sur la base des hadiths mentionnants l’usure résultant de la vente et de l’achat, c’est-à-dire l’or, l’argent, le blé, l’orge, les dates et le sel et elles ont classé l’usure de crédit sous «le prêt et la conciliation» au lieu de le classer dans un livre spécial du prêt et de l’argent !.
Il est difficile de comprendre pourquoi les juristes ont estimé que l’usure était une des sections de la vente, alors que le Coran dit clairement : « Dieu a permis la vente et il a interdit l’usure » ! AL-Baqara (2:275)
Quand ces écoles juridiques ont assimilé le système de l’usure et certains types de ventes liées aux six substances (évoquées plus haut), elles ont décidé que l’usure ne se limitait pas qu’à elles, car elles considèraient que ces substances et objets désignés par le hadith prophétique étaient des exemples non exhaustifs. Ces écoles ont recouru à l’analogie (le kiyas ,القياس en arabe).
On remarque chez les hanafites, en général, un certain formalisme, car le riba, d’après eux, ne joue que s’il y a différence dans la mesure (kail) et le poids (wazn). Qu’il faut échanger un bien de ces six espèces, ou un bien rentrant dans la catégorie des produits nécessaires à la subsistance de l’homme, contre une quantité égale de la même espèce; et toute inégalité dans le poids ou dans la mesure constitue l’usure interdite, comme aussi tout avantage accordé à une partie qui n’a pas son équivalent dans un avantage accordé à l’autre partenaire.
Et ils ont compris du hadith : « Si ces substances sont différentes, vendez comme vous voulez, de main à main ». Que si nous avons des substances de même genre mais de poids différents, ou des substances de poids équivalents mais de genres différents, dans le cas d’un échange, il faut l’accélérer ! !
Donc, les contrats dans lesquels les conditions de concomitance et d’équivalence ne sont pas appliquées sont interdits, peu importe le cas, même quand les objets échangés sont de même nature ou quand ils ont les mêmes poids et mesures selon les hanafites.
Pour ce qui est du riba de report, il est également interdit sans dérogation possible car il découle de la simple prorogation d’un terme, qui n’est que l’écoulement du temps sans aucun effort concret l’accompagnant.
C’est une contradiction quand l’école hanafite considère que le poids est un facteur important en ce qui concerne l’or et l’argent parce qu’ils sont vendus selon lui, alors qu’elle néglige le poids dans le cas des échanges avec d’autres articles. Les hanafites ont estimé que le poids était la raison de l’usure, et ce n’est pas vrai, parce que l’or et l’argent sont différents du reste de l’argent dans la forme, le sens et le jugement.
Nous pouvons dire que le poids et la mesure ne sont pas le facteur déterminant en ce qui concerne l’or et l’argent.
Les Malékites considèrent,eux, que l’usure est limitée aux matériaux de base : l’or, l’argent, le blé, l’orge, les dates et le sel (les six matériaux de base).
C’est-à-dire que si vous remplacez ces matériaux les uns avec les autres, riba Al-Nasi et riba Al-fadl sont interdits, mais si vous remplacez ces substances par d’autres, Alors seul riba Al-fadl est permis !
Selon les chaféites, l’interdiction du riba Al-fadl en droit musulman concernerait seulement l’échange de produits alimentaires et de l’argent au sens de la monnaie. En effet, la morale interdit aux individus d’utiliser ces objets pour en retirer un profit illicitement gagné; les aliments ayant une fonction vitale et la monnaie n’étant qu’un instrument d’échange ne pouvant avoir de valeur intrinsèque. L’échange de produits alimentaires et de monnaies doit donc se faire de la main à la main, au poids et à la mesure (lorsque l’objet est quantifiable).
Dans son sermon d’adieu, le Prophète Muhammad a définitivement mis un terme à la dette alimentée par l’usure exigeant la seule restitution des capitaux empruntés :
« Ô peuple! Toute part d’intérêt est abolie, mais le capital vous revient sans que vous ne soyez injustes ou que l’on ne soit injuste à votre encontre. Dieu a décrété l’interdiction de l’intérêt. La part d’intérêt qui revient à ‘Abbâs Ibn ‘Abd al-Muttalib est complètement abolie. »
Il est intéressant d’observer que le Prophète ait appliqué la loi Divine en commençant par les siens. Ici, il sagit de son oncle paternel ‘Abbâs, qui devait renoncer aux intérêts qui lui étaient dus.
[1] Dans la littérature francophone, la notion du ribâ est souvent ramenée à celle de « l’usure » qui est la traduction la plus fréquemment donnée à l’interdiction de l’intérêt usuraire. Cependant, cette traduction ne correspond pas exactement au sens plus large que les oulémas et jurisconsultes musulmans donnent au concept du ribâ dans son acception jurisprudentielle. [2] Aldarmi, les ventes 42. [3] Sounan Nassaï, les ventes 50